Analyse bilan sécurité routière – aout 25

LIGUE CONTRE LA VIOLENCE ROUTIERE

Analyse de la mortalité routière d’août 2025

Un œil sur la situation

Le premier Délégué interministériel à la Sécurité routière, Christian Gerondeau, fut nommé en juin 1972, alors qu’il y avait 18.376 personnes tuées sur nos routes pendant les 12 mois précédents. Aujourd’hui, après 14 autres délégués, nous en sommes à 3.268, soit une baisse moyenne annuelle de 3,2%.

La France a signé les déclarations européennes de La Valette en 2017 et de Stockholm en 2020, qui engagent à réduire de moitié le nombre de décès et de blessures graves sur les routes à l’horizon 2030, et atteindre l’objectif ultime « zéro décès et blessures graves sur les routes d’ici à 2050 ». La réalisation de cet objectif implique une baisse moyenne annuelle de 6,7%. Depuis l’investiture du président Macron, mai 2017, la mortalité n’a baissé que de 0,8% par an ! On est loin de l’objectif. Si cet engagement avait été tenu, à ce jour, plus de 4.800 vies auraient été sauvées et des blessures graves auraient été épargnées à plus de 23.000 personnes. A ce bilan humain déjà catastrophique, il convient d’ajouter les co-victimes trop souvent ignorées et donc de multiplier par 10 le total de 4800 + 23000 pour évaluer le vrai impact humain (278 000 vies brisées qui auraient dû être évitées) de l’inaction des autorités et du relâchement des comportements.

Une nouvelle déléguée intérimaire

Nommée par un arrêté du 7 août 2025, Michèle Lugrand, jusqu’alors Secrétaire générale adjointe aux affaires régionales, en charge du pôle « politiques publiques » de la préfecture de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est nommée Déléguée interministérielle à la Sécurité routière par intérim, dans l’attente de sa nomination définitive ou de la nomination de quelqu’un d’autre. Cette prise de fonction s’accompagne d’une période d’essai de six mois. Elle n’a, jusqu’ici, jamais exercé dans le champ de la sécurité routière. Elle y fait donc ses premiers pas, dans un contexte politique où la sécurité routière n’est plus depuis longtemps une priorité. Elle est même devenue une variable d’ajustement de l’acceptabilité sociale « il ne faut pas embêter les Français ». Les derniers résultats de la mortalité sont catastrophiques : avril +6%, mai +17%, juillet+23%, août +18% par rapport aux mêmes mois de l’année dernière. La nouvelle déléguée, Michèle Lugrand, appelle à « se ressaisir collectivement ».

L’expression sonne bien, mais que recouvre-t-elle dans le contexte politique du moment ?

Les autorités semblent refuser de voir la stagnation depuis 12 ans de la mortalité (3.268 tués sur les 12 derniers mois et exactement le même nombre en 2013) ainsi que la hausse de ces derniers mois et n’ont pas le courage d’imposer les mesures fortes  nécessaires pour sauver des vies. Malgré qu’il n’y ait pas une volonté au plus haut niveau de l’État, la déléguée devra faire avancer ces dossiers : 0,2g/l alcool, zéro récidive tolérée avec confiscation immédiate du véhicule, radars multi-infractions, … ?

Pour la Ligue contre la violence routière, « se ressaisir collectivement » c’est :

La collision est multifactoriel ou multicausal

L’étude FLAM de 2021 (facteurs liés aux collisions mortelles) montre que 92% des collisions mortelles impliquent au moins un facteur d’origine humaine, mais par ailleurs, précise que les facteurs liés à l’infrastructure sont contributifs dans 30% des collisions suivis des facteurs véhicule dans 20% et conditions de circulation dans 18%. Tous les facteurs ont la même importance dans la réalisation d’une collision.

« Y a-t-il 1,4 million d’idiots qui se tuent chaque année (dans le monde) malgré un système parfaitement au point, s’agit-il au contraire d’un système idiot et non adapté aux capacités humaines, qui génère tant de pertes de vies humaines ?» Claes Tingvall, directeur du département suédois de sécurité routière.

«92% des collisions mortelles sont liés à un facteur humain.» Ce constat, maintes fois mis en avant, montre que le système de circulation est complètement inadapté à l’être humain.

Certes, une collision sur la route a très souvent, parmi toutes les causes, une cause de l’usager, mais l’origine de cette cause n’est pas toujours là où on a tendance à la placer spontanément. La possibilité qu’un homme puisse faire une erreur tient pour une part à ce qu’un autre homme n’a pas pu ou su prévoir cette possibilité d’erreur et n’a rien fait pour la prévenir ou en limiter les conséquences.

Bons ou mauvais conducteurs, tous conduisent !

Sans nier les comportements fautifs, on doit éviter les solutions de facilité imputant à priori la collision à l’imprudence ou autres éléments subjectifs qui sont d’un intérêt limité pour la recherche des mesures préventives. L’essentiel de l’effort demandé à l’autorité doit consister à placer le conducteur, bon ou mauvais, dans des conditions telles qu’il soit effectivement à l’abri des risques. Dans cet esprit on ne saurait se contenter de consignes plus ou moins détaillées de sécurité. Le conducteur ne peut éviter les actes dangereux que dans la mesure où il est d’abord soustrait à des situations dangereuses : il ne peut pas rouler à 200 km/h avec un véhicule limité à la construction à 110, il respecte les limitations de vitesse avec un limiteur de vitesse intelligent (LAVIA), il ne peut pas rouler en étant alcoolisé avec un éthylomètre antidémarrage, etc. Une politique qui ne vise qu’à responsabiliser les conducteurs est insuffisant, il faut aussi agir sur tous les éléments qui entourent les conducteurs à commencer par leur environnement et leur véhicule.  La responsabilité n’est donc plus individuelle, mais collective, au sens de tous les acteurs du système sans oublier les concepteurs des infrastructures, les constructeurs de véhicules et le législateur.

Ce n’est plus à l’être humain de s’adapter au trafic routier, mais c’est au trafic routier de s’adapter à l’être humain. C’est un changement de paradigme qu’il faut mettre en œuvre pour réaliser l’objectif « 0 tué, 0 blessé grave en 2050 ».

Changer de paradigme pour mettre en pratique une approche « Vision Zéro»

En 1997, le parlement suédois adoptait l’approche de sécurité routière « Vision Zéro » qui traduit la volonté de parvenir à zéro mort et zéro blessé grave sur les routes. Elle repose sur le principe que chaque collision est évitable, et qu’aucune vie perdue n’est acceptable bien que les êtres humains commettent inévitablement des erreurs. Le système circulation doit donc être modifié de sorte que l’erreur humaine n’engendre plus la mort. Cela implique que les routes et les véhicules doivent être adaptés pour que l’usager de la route ne soit pas en situation, malgré les erreurs qu’il peut commettre (droit à l’erreur), d’être en danger et d’avoir un accident. La mise en pratique de « Vision Zéro » constitue un changement de paradigme quant à la manière de concevoir les routes et les véhicules et organiser la circulation. Elle s’éloigne du modèle traditionnel de la sécurité routière qui est axé sur le perfectionnement du comportement humain où la responsabilité de la collision est attribuée à l’usager.

« Vision Zéro » met les concepteurs de systèmes au défi d’adapter le système de transport routier, selon les contextes, pour favoriser la sécurité de tous les usagers. Il s’agit d’une responsabilité partagée, qui repose principalement sur les concepteurs de systèmes et sous-tend l’approche du « Système sûr ». La responsabilité n’est donc plus individuelle, mais collective.

La Ligue exige dans ce contexte de résultats catastrophiques qui se dégradent depuis plusieurs mois, la tenue rapide d’États généraux de la sécurité routière pour définir une feuille de route vers la « Vision zéro » victime de la route

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !

État des lieux

 

Le bilan
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