Analyse bilan sécurité routière – octobre 25

LIGUE CONTRE LA VIOLENCE ROUTIERE

Analyse de la mortalité routière d’octobre 2025

 

Une hirondelle ne fait pas le printemps.

Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur : « Après des mois de hausse de la mortalité sur les routes françaises, le mois d’octobre montre enfin un sursaut attendu. ».(Communiqué de presse de la ministre)

Madame, depuis la première investiture du Président de la République en mai 2017, nous avons connu beaucoup de sursauts (voir les courbes ci-dessus). De sursauts en sursauts, depuis mai 2017 la mortalité routière sur 12 mois consécutifs est passée de 3.490 personnes décédées à 3.242 à la fin d’octobre 2025, soit une baisse moyenne de 0,9% par an. Il s’avère que dans l’état, tous ces sursauts ne sont que des épiphénomènes qui ne peuvent contribuer au développement d’une baisse significative.

La France s’est engagée à « diviser par deux le nombre de tués et de blessés graves sur les routes sur une décennie et à viser zéro tué et zéro blessé grave en 2050 », La réalisation de cet objectif implique une baisse moyenne annuelle de 6,7% de la mortalité pendant toute la décennie 2017-2027. Compte tenu des résultats catastrophiques, cet objectif ne sera pas atteint. Si depuis 2017, l’engagement avait tenu au rythme d’une baisse de 6,7% par an, 5.000 personnes auraient été sauvées, des blessures graves auraient été épargnées à 24.000 autres et les vies de 280.000 co-victimes (parents, amis, …) n’auraient pas été brisées.

 

Le protoxyde d’azote : une véritable drogue de société.

Le protoxyde d’azote, plus communément appelé « gaz hilarant » ou « proto », est un gaz incolore utilisé dans le milieu médical pour ses propriétés anesthésiques. Il est également employé comme gaz de pressurisation d’aérosol alimentaire, comme par exemple dans les cartouches pour siphon à chantilly ou les aérosols d’air sec. Depuis les années 2000, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) met en évidence des usages récréatifs de ce produit. Le contenu de la cartouche est vidé dans un ballon de baudruche puis inhalé par l’usager. À partir de 2017, les lieux de vente se multiplient : épiceries, bars et boîtes de nuit commencent à vendre des capsules. En 2019, des sites internet spécialisés dans la vente de protoxyde d’azote proposent de nouveaux contenants : des bonbonnes (600 grammes), des bouteilles et plus encore, les « tanks » (15 kg pour une contenance estimée entre 1 000 et 2 000 ballons à un prix excédant les 200 euros). Une quantité de sept tonnes de protoxyde d’azote d’une valeur marchande de 2,7 millions d’euros a ainsi été saisie par les forces de l’ordre en décembre 2021, en Seine-et-Marne. En 2021, 5,5 % des élèves de 3e disent avoir déjà consommé du protoxyde d’azote, les garçons deux fois plus souvent que les filles. En 2023, 6,7 % des personnes de 18 à 64 ans déclarent en avoir déjà consommé au cours de leur vie et 0,8 % au cours de l’année.

Les effets les plus notables sont, une euphorie, une diminution de l’anxiété, des illusions sensorielles et une altération de la conscience. Ces effets régressent en quelques minutes. En cas de consommations répétées à intervalles rapprochés, et/ou à fortes doses une dépendance peut s’installer et de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques ou cardiaques peuvent survenir. Du fait de son usage industriel, culinaire, médical, le protoxyde d’azote n’est pas classé sur la liste des produits stupéfiants. La loi, du 1er juin 2021, interdit la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, quel que soit le conditionnement, dans tous les commerces, les lieux publics et sur internet. Cependant cette interdiction ne s’applique pas aux majeurs sauf dans certains lieux : bars, discothèques, débits de boissons temporaires (foires, fêtes publiques…) et bureaux de tabac. Plusieurs communes ont mis en place des interdictions de consommation de gaz hilarant sur la voie publique. Certaines villes ont durci le ton, comme Troyes, Villeurbanne, Forbach, Agen, Cannes, Metz où le transport et la détention pour des usages détournés sont interdits. Plusieurs pays européens ont décidé de prendre des mesures radicales, depuis le 1er janvier 2023, le gouvernement hollandais a interdit la possession et la vente de protoxyde d’azote, le gouvernement britannique a annoncé en mars son interdiction. Les chiffres alarmant de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) montrent l’inefficacité de cette loi. De son côté, dans son exposé des motifs de sa proposition de loi du 18 décembre 2024, visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote, le Sénat mentionne ces insuffisances : « Aujourd’hui, il est possible d’acheter chez divers revendeurs, allant du magasin de proximité à des fournisseurs en ligne ultra-mondialisés, du protoxyde d’azote sans qu’aucune justification de majorité ne soit requise. Dans les faits, les sanctions et contrôles restent faibles et le protoxyde d’azote peut toujours être acheté en grande quantité et à bas coût, d’autant que ces ventes se réalisent également via les réseaux sociaux, dont la régulation est insuffisante, voire inexistante. C’est pourquoi la loi actuelle doit être renforcée afin de lutter contre l’usage détourné du protoxyde d’azote. ». L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, mercredi 29 janvier 2025, une proposition de loi visant à interdire la vente aux particuliers de protoxyde d’azote, Mais il semble que la poursuite parlementaire de ce vote soit arrêtée dans l’attente d’une « stabilité politique ».

Contrairement à l’alcool et aux drogues traditionnelles, le protoxyde d’azote est très rapidement éliminé de l’organisme, ce qui rend, de fait, difficile la preuve analytique de la conduite sous influence du protoxyde d’azote. De plus, le manque de réglementation stricte concernant la vente et l’utilisation du protoxyde d’azote facilite son accessibilité et son usage abusif. Les utilisateurs peuvent facilement se procurer des cartouches ou des bouteilles de gaz et les consommer. Cette situation souligne l’urgence de développer des tests de dépistage spécifiques, de renforcer les lois pour prévenir l’abus de protoxyde d’azote et protéger la sécurité publique. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés pour détecter les substances ou plantes psychoactives classées comme stupéfiants, le protoxyde d’azote représente un nouveau défi qui nécessite une attention accrue. La recherche et le développement de nouvelles technologies de dépistage, ainsi que la mise en place de réglementations appropriées, sont essentiels pour faire face à ce nouveau défi de prévention routière. Nous attendons du Ministère de la justice un décret qui inclut le protoxyde d’azote dans la liste des substances psychoactives constituant une circonstance aggravante en cas d’homicide routier

 

La bonne nouvelle

Une nouvelle étude menée aux Pays-Bas a révélé que l’usage de gaz hilarant à des effets manifestes sur les capacités de conduite jusqu’à 45 minutes au moins après l’inhalation du produit. La bonne nouvelle est qu’il est aujourd’hui possible de détecter cette substance chez les conducteurs à l’aide d’un test de l’haleine. [1]

Maintenant, que l’on examine comment de tels tests pourraient être utilisés dans notre pays.

 

La fin du permis à vie

Depuis le début du développement de l’automobile, l’industrie détourne l’attention des législateurs de la dangerosité inhérente du système routier vers les actions de la personne au volant, voir le tristement célèbre slogan de la National Rifle Association of America : « les voitures ne tuent pas les gens, ce sont les gens qui le font ». Ce slogan est toujours usité et à intervalles réguliers, la médiatisation de faits tragiques, sous couvert « du bon sens », amène les pouvoirs publics à faire porter le poids de l’insécurité routière sur les épaules des usagers. L’argument de la  « cause comportementale dans 92% des accidents » est fréquemment utilisé dans les campagnes de communication. Bien que le rôle de l’erreur humaine dans les accidents soit substantiel, il reste que les conducteurs qui tuent le font avec un véhicule motorisé et sur des routes. Ce chiffre de 92%, souvent faussement interprété, minimise l’importance du rôle que l’infrastructure et les véhicules jouent sur le niveau de la gravité des blessures. L’étude FLAM de 2021 (facteurs liés aux accidents mortels) précise que les facteurs liés à l’infrastructure sont contributifs dans 30% des accidents suivis des facteurs véhicule dans 20% et des conditions de circulation dans 18%.

Cette orientation vers les conducteurs incite les législateurs à repenser la réglementation du permis de conduire en particulier pour les personnes âgées. Un sujet délicat, tant il touche à des questions sensibles telles que la stigmatisation des personnes âgées, l’autonomie individuelle et la sécurité routière. La question de la conduite des seniors, avec toutes leurs « imperfections » dans notre système de transport routier déficient, suscite régulièrement débats et controverses.

 

Les seniors sont vulnérables, mais pas forcément dangereux

En 2024, 48 personnes sont décédées par million d’habitants en France métropolitaine. On compte 97 tués par million d’habitants pour les jeunes de 18-24 ans, 83 tués par million pour les seniors de 85 ans ou plus, 73 tués par million pour les seniors de 75-84 ans (ONISR). Autres chiffres : les jeunes adultes (18-24 ans) ont de loin le taux le plus élevé de responsabilité dans les accidents mortels rapportés à la population : 136 responsables d’accident mortel pour un million d’habitants en 2024, pour les 75 ans et plus le ratio est de 62. Ces chiffres illustrent clairement que les seniors sont moins « des dangers publics» en voiture que les plus jeunes, et pas tellement plus que les autres tranches de la population. La gravité des accidents dans lesquels ils sont impliqués est souvent plus importante. Cette vulnérabilité accrue aux blessures observée chez les conducteurs plus âgés est due à une fragilité physique et à la présence d’un ou de plusieurs troubles médicaux, tels que l’ostéoporose ou une maladie cardiaque.

L’aptitude à la conduite n’est pas qu’un problème d’âge mais plutôt un problème de pathologie à tout âge !

Un moyen de leur assurer une meilleure protection serait de baisser leurs vitesses maximales autorisées au niveau de celles des conducteurs débutants, afin de diminuer la violence des chocs.

 

Réforme du permis de conduire

Les eurodéputés ont décidé une réforme du permis de conduire dans l’Union européenne qui s’appliquera à tous les pays membres de l’Union européenne d’ici 2029. Cette décision entraînera le renouvellement de son permis de conduire voiture ou moto tous les 15 ans à la suite d’une visite médicale ou d’une autoévaluation, selon le choix de chaque pays. Ce délai devrait par ailleurs être réduit à partir de 65 ans. Il est à noter que l’obligation de la visite médicale pour obtenir son permis de conduire ou son renouvellement existe dans plusieurs états d’Europe : Portugal, Espagne, Grèce, Italie, République tchèque, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Belgique, Hongrie, Lituanie, Roumanie et Lettonie.

Le docteur Philippe Lauwick, président de l’Automobile-Club Médical de France, s’interroge sur la visite médicale obligatoire. Il questionne les conditions logistiques de la mise en place d’un tel examen qui ne ferait que créer un nouvel embouteillage chez les médecins. En France c’est la pénurie de médecins, 48 millions de personnes ont le permis de conduire dans l’hexagone et la directive nécessiterait des centaines de milliers de rendez-vous médicaux en plus chaque année. Les États membres ayant la possibilité de remplacer la visite médicale par des formulaires d’autoévaluation devrait permettre à la France une marge de manœuvre qu’elle pourra exploiter, tout en respectant le cadre fixé par Bruxelles.

 

Les arguments « pour » la réforme

Le contrôle médical périodique : il vise à prévenir les accidents liés aux diminutions physiques et cognitives, fréquentes avec l’âge (réflexes, vue, audition, concentration).

Une évaluation nécessaire : cette mesure vise à garantir que chaque automobiliste senior possède encore les aptitudes nécessaires.

Un système européen : il tend à s’aligner sur une harmonisation au sein de l’UE, beaucoup de pays européens imposent déjà des visites médicales régulières à partir de 70, voire 65 ans, avec des fréquences oscillant entre cinq à dix ans selon les États.

 

Les arguments « contre » la réforme

Pas si dangereux que cela : les seniors de 75 ans et plus provoquent deux fois moins d’accidents que les jeunes, notamment parce qu’ils sont conscients de leurs aptitudes émoussées.

Un lien social rompu : beaucoup jugent ces contrôles comme une perte d’autonomie pour les séniors, surtout en zones rurales.

Un barnum d’organisation : on connaît la difficulté d’accéder aux soins, les médecins eux-mêmes se récrient en pointant le nombre très insuffisant de praticiens. Il y aura une charge supplémentaire considérable de travail. Et l’examen lui-même est divers et complexe, un véritable check-up puisqu’il se doit, pour être crédible, de passer en revue les capacités cognitives, la mobilité physique, la vue, l’audition, l’état général (bilan cardio, diabète, risques d’AVC, prise de médicaments), l’équilibre et l’autonomie, notamment. Pas sûr que le médecin de quartier soit en mesure d’assumer de telles tâches qui relèvent normalement des spécialistes.

À ce stade se posera la question du tarif d’un tel bilan, couvrant visites et tests

[1] Ètude néerlandaise menée par l’université de Maastricht, le centre médical de l’université de Leyde et le TNO (organisme de recherche aux Pays-Bas). Voir le communiqué de presse du 24 février 2024 de Vias Institute.

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !

État des lieux

 

Le bilan
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