Analyse bilan de sécurité routière août 2019

 

A la suite de notre campagne de communication auprès des présidents des départements sur le maintien du 80 km/h, à notre grand étonnement, l’un d’entre eux, ingénieur de l’équipement à la retraite, nous a adressé un courrier mettant en exergue des arguments dignes du café du commerce pour justifier son opposition au 80 km/h :

  • les poids lourds suivis par des files interminables de voitures dont les conducteurs finissent par prendre des risques inconsidérés pour doubler, faute à leur agacement légitime,
  • je connais mon réseau routier,
  • je sais ce que j’ai à faire,
  • etc.

    Il suggère que « dès que les zones accidentogènes sont connues, d’autres mesures pourraient être prises pour améliorer la sécurité des automobilistes que baisser la vitesse. Je pense notamment aux travaux qui pourraient être faits sur l’infrastructure pour les adapter à la circulation ». Mais qu’est-ce qui l’a empêché de le faire auparavant, alors qu’en tant que président du département il avait le droit de faire ces travaux ?

    Bien entendu, ce président de département, cet ancien ingénieur de l’équipement, comme beaucoup d’autres ignorent ou nient la relation entre vitesse et accidentalité. Ils oublient que si de 2002 à 2008 le nombre de tués est passé de 7655 à 4274 soit une diminution de 44,2%, c’est que la vitesse moyenne a baissé de 11,2% (de 90,7km/h à 80,5), grâce aux radars. Dans la communauté scientifique il n’y a pas la moindre contestation du rôle de la vitesse dans les accidents : 1% de vitesse moyenne en moins, c’est 4% de tués en moins indépendamment de la voie, de l’autoroute au plus petit chemin vicinal. Remonter à 90 km/h la vitesse maximale autorisée sur une partie des voies actuellement limitées à 80 km/h en justifiant cette décision par une étude d’accidentalité est impossible, c’est la quadrature du cercle. Cependant, conscients ou ignorants, mais par électoralisme, ces dignitaires font fi de la connaissance des experts et envisagent de faire intervenir la qualité de l’infrastructure pour justifier le retour aux 90 km/h. C’est un contre-sens évident. De ce fait, pour une meilleure acceptabilité « sociale », la mesure serait « assouplie » au prix de la vie de plus de victimes.

    3500 tués tous les ans sur nos routes : ce n’est pas si mal !!!
    Pour conclure, ce président, écrit : « Ҫa ne se passait pourtant pas si mal. La vitesse à 90 km/h sur le réseau secondaire était en vigueur depuis 1974. En 45 ans le nombre de tués sur les routes est passé de plus de 16.000 au milieu des années 1970 à moins de 3.500 en 2016 »

    Monsieur le président, ancien ingénieur de l’équipement, vous jugez que 3.500 morts par an sur nos routes, ce n’est pas si mal. La Ligue contre la violence routière, ne peut se satisfaire de ce triste bilan. À croire que nous n’avons pas les mêmes valeurs. À l’instar des entreprises, notre objectif est zéro accident.

    PS : heureusement, tous les ingénieurs de l’équipement à la retraite ne raisonnent pas de cette manière.

    Article paru dans la revue ROUTE & MÉDECINE n° 548 de mai/juin 2019 rédigé par le Docteur Philippe Lauwick, Président de l’Automobile Club Médical de France et, par ailleurs, Président de la Commission Santé et Déplacements sur la route du conseil national de la Sécurité Routière (CNSR)

    On m’a, ces dernières semaines, demandé à plusieurs reprises, quels devraient être les critères retenus par les présidents de conseils généraux pour relever la vitesse maximale autorisée de 80 à 90 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central.

    Je n’ai pas la conviction que ceux qui posent la question voient l’incongruité qu’il y aurait pour un médecin à donner une « recette » valorisant l’effet d’une mesure dont on sait qu’elle va augmenter quoiqu’on fasse le nombre de morts et de blessés. Un peu comme si pour un médicament reconnu efficace contre une maladie grave, sans effet secondaire majeur ni surcoût induit, on nous demandait de réfléchir pour choisir une catégorie de patients auxquels on déciderait de ne pas le prescrire.

    Faut-il, une fois encore, redire que la vitesse augmente la probabilité d’avoir un accident et systématiquement la gravité de celui-ci ? La diminution des vitesses de circulation est donc un moyen efficace de réduction des accidents. N’oublions pas que les routes bidirectionnelles sans séparateur central sont les plus mortifères : là réside la logique des experts qui les ont retenues pour la réduction de 10 km/h.

    Il faut aussi cesser de prétendre que les « belles routes droites » ne devraient pas être concernées : elles sont indiscutablement, en raison de leur plus grande fréquentation et des vitesses plus élevées pratiquées, les plus dangereuses. C’est hélas parce que ces données sont contre-intuitives que trop de politiques populistes cèdent aux sirènes d’électeurs potentiels plutôt qu’à la raison.

    Les démonstrations des vrais experts et les premières évaluations réalisées par le Cerema sont sans appel. Organiser la perte de chance face à la probabilité d’être tué ou atteint dans son intégrité corporelle est contraire à mon éthique. C’est pourquoi je refuse de répondre à l’interrogation qui m’est faite. Une dérobade ?

    Que nenni, juste l’affirmation de ma conviction face à une mesure qui sauve toujours et partout des vies : la mienne, la vôtre peut être ! 

    Dr Philippe Lauwick

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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