Analyse bilan sécurité routière – mai 25

LIGUE CONTRE LA VIOLENCE ROUTIERE

Analyse de la mortalité routière de mai 2025

Tous responsables

Quelques chiffres pour apprécier la stagnation de la sécurité routière en France métropolitaine :

  • 276 personnes tuées en mai 2025, soit 34 de plus par rapport à mai 2024,
  • depuis mai 2017, élection du Président de la République, la baisse moyenne de la mortalité est de 1% par an,
  • depuis septembre 2022, arrivée de Florance Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière, la baisse moyenne de la mortalité est de 1,5 % par an.

Le 30 janvier 2025, la Sécurité routière rend public le bilan provisoire des accidents de la route de l’année 2024 : « moins de 3200 morts sur les route de l’hexagone » et précise « pour la deuxième fois consécutive (3193 en 2024 et 3 167 en 2023).C’est plutôt satisfaisant dans la mesure où on obtient ce chiffre après huit mois de hausse en début d’année« , cadre Florence Guillaume,

Le 2 juin 2025, François-Noël BUFFET, ministre auprès du Ministre d’État, ministre de l’Intérieur déclare « Le bilan définitif de l’accidentalité routière pour l’année 2024 vient confirmer les premiers éléments communiqués en janvier : pour la seconde année consécutive, le nombre de personnes tuées sur les routes reste sous la barre des 3 200 morts.

Mais nos dirigeants ont omis l’Outre-mer. Sur les routes de France métropolitaine et d’outre-mer, 3.432 personnes sont décédées en 2024 et 3398 en 2023, soit un bilan de 2024 en hausse de 1% par rapport à l’année précédente. Cette vérité relativise la satisfaction de la Sécurité routière.

Depuis 2013, 3.268 tués en métropole, le nombre ne baisse plus de façon significative au point de ne pas pouvoir atteindre l’objectif européen visant à réduire de moitié les morts et blessés graves sur les routes d’ici 2030 par rapport à 2019. Comme depuis toujours, en 2024 les principales causes d’accidents mortels demeurent la vitesse excessive (29 %) et l’alcool (22 %), deux facteurs intimement liés. Par ailleurs, les usagers vulnérables, victimes de la circulation motorisée, sont très touchés (23%), piétons 14,5%, cyclistes 7,1%, utilisateurs d’EDPm 1,4%.

Dans son communiqué de presse du 17 juin 2025 commentant le bilan de mai, la Sécurité routière attribue ces mauvais résultats au sempiternel comportement des usagers « La mortalité routière n’est pas une fatalité et dans 9 cas sur 10, elle a pour origine une faute de comportement ». Cet argument tendancieux est éculé, il nie la multi-causalité de l’accident. Il minimise l’importance du rôle que l’infrastructure et les véhicules jouent sur l’accidentalité. L’étude FLAM de 2021 (facteurs liés aux accidents mortels) précise que les facteurs liés à l’infrastructure sont contributifs dans 30% des accidents suivis des facteurs véhicule dans 20% et des conditions de circulation dans 18% de ces accidents.

 

La responsabilité des constructeurs

Le SUV : le meilleur ennemi des usagers vulnérables

Une étude de l’Imperial College de Londres et de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM), publiée ce 30 avril, montre qu’en cas de choc avec un SUV ou un pick-up, le risque de décès d’un piéton est 44 % supérieur par rapport à une voiture de tourisme ordinaire. Ce risque augmente de 82 % pour un enfant et jusqu’à 130 % pour les moins de 10 ans. » L’analyse met en cause la dangereuse morphologie du SUV. Sa large et abrupte face avant favorise la projection au sol des personnes télescopées, entraînant un risque d’écrasement par le véhicule. Une précédente étude, publiée en 2024 dans la revue Economics of Transportation, corrélait «  qu’une augmentation de 10 cm de la hauteur avant d’une voiture augmente le risque de mort chez les piétons de 22 %. »

En cas de collision, un SUV, impacte davantage le haut du corps là où une berline toucherait les jambes. Cela entraîne  » une proportion plus élevée de lésions corporelles (de la tête, du thorax et de l’abdomen) et un profil de blessure plus grave « , souligne Anna Goodman, professeure adjointe à la LSHTM, et auteure principale de l’analyse.

Malgré tous ces défauts parfaitement reconnus par les pouvoirs publics et les constructeurs, les SUV se sont imposés comme les rois de la route. Entre 2008 et 2024, ses immatriculations ont été multipliées par 10, passant de 5 % à plus de 50 % des ventes de voitures neuves en France.

 

Les constructeurs ne font pas toujours tous les efforts que l’on attend d’eux

Depuis 2014, on sait que les airbags Takata sont défectueux.

En plus des centaines de blessés, on recense 14 morts en France (12 en outre-mer et 2 en métropole). Le 11 juin 2025, une mère de famille de 37 ans est décédée des suites de ses blessures après l’explosion de l’airbag Takata de sa Citroën C3 lors d’un accident à Reims. Le 17 juin, le ministère des Transports a ordonné l’immobilisation complète du parc automobile concerné par les airbags défectueux de Takata.

L’UFC-Que choisir reproche à Citroën, qui avait, comme toute la profession, connaissance des accidents et des défauts qui ont conduit à la faillite de Takata en 2017, d’avoir « poursuivi la commercialisation des véhicules C3 et DS3 équipés de ces dispositifs potentiellement dangereux jusqu’en 2019, sans en informer les consommateurs ». À la suite de ce dernier accident l’UFC déclare « ce nouveau décès est inacceptable et aurait été évité si les mesures nécessaires avaient été mises en place par Stellantis ». Le ministre des Transports Philippe Tabarot en rajoutait une couche en déclarant que cette situation était « inacceptable et scandaleuse », en estimant que « en l’état, que l’attitude de l’entreprise n’est pas à la hauteur des enjeux et des risques encourus ».

 

Les désinformateurs nient la réalité

Ils nient les démarches scientifiques établissant des relations entre vitesse de circulation et mortalité, notamment les travaux de Nilsson publiés en 1982, concluant que lorsque la variation de la vitesse moyenne est de l’ordre de quelques km/h « une variation de la vitesse de 1 % induit une variation du nombre d’accidents de 2 %, des accidents corporels de 3 % et des accidents mortels de 4 % » Ceux qui contestent cette relation avec des arguments aussi péremptoires que « l’ancienneté » de cette étude, alors qu’elle a été précisée et confirmée par de multiples études, montrent leur ignorance. Affirmer que l’on ne fait pas une politique de sécurité routière avec des équations mais avec du pragmatisme relève de la même pratique privilégiant le débat de café du commerce.

 

Le lien inéluctable entre vitesse et accidents

Aucun déplacement ne peut être à vitesse nulle. De ce fait la vitesse est un facteur inhérent à tout accident de la circulation, puisque les véhicules sont en déplacement, et pas un facteur d’aggravation comme le trompettent les désinformateurs.

La vitesse est une condition nécessaire à la production d’un accident, et plus la voiture va vite, plus l’accident est grave. Sur le plan de la physique on peut estimer l’équivalent ressenti par chaque véhicule, comme si chacun avait percuté un mur fixe. Prenons un exemple concret : une citadine de 1 000 kg percute de face un SUV de 2 000 kg, les deux à 100 km/h. Résultat :

  • pour le SUV, le ressenti est équivalent à un choc à seulement 66 km/h contre un mur fixe,
  • pour la citadine, en revanche, le ressenti grimpe à environ 133 km/h contre un mur fixe.
  • Autrement dit, la petite voiture encaisse deux fois plus que ce qu’on imagine tandis que le SUV s’en sort beaucoup mieux.

 

Alcool et vitesse
Après un accident mortel, les forces de l’ordre mesurent l’alcoolémie des personnes impliquées, mais elles ne peuvent pas mesurer les vitesses des véhicules au moment de l’accident. Elles évaluent cette vitesse au regard de la vitesse maximale autorisée. Elles ne sont pas en mesure d’apprécier les défauts de maîtrise du véhicule liés à une vitesse inadaptée au contexte de circulation.

L’alcoolémie est un facteur d’accident beaucoup mieux documenté que la vitesse. Cette absence de données objectives sur la vitesse permet toutes sortes d’interprétations par les plus malveillants qui, en fonction de leurs intérêts, pointent l’alcool comme première cause de mortalité et nient la vitesse. L’obligation de « boîtes noires » sur les voitures neuves depuis juillet 2024 permettra, à terme, de déterminer plus objectivement les causes d’un accident et en particulier leur vitesse quelques instants avant l’accident.

Le risque d’accident mortel lié à la consommation d’alcool augmente très vite en fonction de la quantité ingérée, pour un taux d’alcoolémie compris entre 0,2 et 0,5 g/l, le risque est multiplié par 2,7. Pour un taux compris entre 0,8 et 1,2 g/l, il est multiplié par 7. Au-delà de 2 g/l, il est multiplié par 40. Les accidents avec un conducteur alcoolisé sont nettement plus graves que les autres : 13% sont mortels contre 5% pour ceux sans alcool. Au cours des trente dernières années la fraction des accidents mortels avec une alcoolémie à un niveau dépassant le seuil légal demeure proche de  30% de l’ensemble des accidents mortels.

Il faut noter que le nombre de tués attribuables à l’alcool baisse de façon concomitante avec la réduction de l’ensemble des accidents mortels due principalement à la diminution des vitesses de circulation.

 

Les conducteurs alcoolisés conduisent moins vite, comme les autres, et ce comportement a réduit leur risque d’accident et la gravité de ces derniers.

 

Les 80 km/h : ce n’était pas pour emmerder le monde, mais pour sauver des vies

L’abaissement de la limite de vitesse à 80 km/h au lieu de 90 km/h, décidé en 2018, avait soulevé beaucoup d’opposition, en particulier de la part des gilets jaunes.  L’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, a admis mardi 20 mai 2025 qu’il ferait « différemment aujourd’hui » pour imposer l’abaissement de la vitesse limitée à 80 km/h sur les routes, mais a assuré ne pas regretter cette mesure prise pour sauver des vies : « Je sais très bien qu’on me reprochera ça ou ça (…) bon, je ne vais pas m’excuser d’être qui je suis et je ne vais pas m’excuser d’avoir essayé de faire en sorte d’améliorer la situation sur nos routes et la sécurité routière ….. C’était une mesure pour éviter des accidents car dans toutes les familles de France, il y a des gens qui ont été confrontés à ces accidents terribles sur la route », a-t-il argumenté.

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !

État des lieux

 

Le bilan
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