Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !
État des lieux
LIGUE CONTRE LA VIOLENCE ROUTIERE
Analyse de la mortalité routière de septembre 2024
Depuis que la générale Florence Guillaume, a été nommée déléguée interministérielle à la Sécurité routière en septembre 2022 la situation n’a que peu évolué : l’amélioration n’est en moyenne que de 0,72% par an. Nous souhaitons vivement que cette baisse de 8,1% de la mortalité de ce mois ne soit pas un accident heureux. Enfin, toutes ces dernières années de stagnation rendent quasi impossible la réalisation de l’objectif 1745 tués en 2027, la fin de la décennie des mandats du Président Macron.
Nous avons trouvé dans le journal « le Parisien » du 3 septembre 2019 que notre nouveau ministre des transports, François Durovray, en tant que Président du conseil départemental de l’Essonne, voulait rétablir 700 km de routes départementales à 90 km/h au lieu de 80 km/h. Mais après avoir pris connaissance du document d’aide à la décision publié en juillet 2019 par le ministère de l’Intérieur qui détaillait une série de précautions à prendre afin de limiter les risques d’accident sur les portions relevées à 90 km/h, il s’est aperçu qu’aucune route ou presque ne pouvait répondre à toutes ces recommandations. Ce document établi par les experts du Conseil National de la Sécurité Routière lui a fait découvrir des risques liés à l’infrastructure auxquels auraient été soumis les usagers et lui a rappelé sa responsabilité en tant que gestionnaire de cette voirie départementale. Contrairement à beaucoup de ses collègues, il a eu la sagesse d’abandonner son projet. Toutes les routes de l’Essonne restent à 80km/h.
L’insécurité routière : un gâchis humain
L’Union européenne écrit, le 12 septembre 2001 dans son livre blanc, qu’elle doit s’engager, dans la décennie à venir, à réduire de moitié le nombre des morts sur la route.
En juillet 2002, la sécurité routière est un chantier prioritaire du Président Chirac. La vitesse étant la première cause de mortalité, la mesure phare mise en œuvre fut l’installation des premiers radars fixes de contrôle automatisé de vitesse. On compte une réduction de plus de 50 % de la mortalité sur 2000-2010. Plus de 30 000 vies ont été épargnées durant cette période par rapport à la décennie précédente, dont les trois quarts grâce à la baisse des vitesses.
L’Union européenne reprend l’objectif sur 2010-2020 et adopte un plan d’action. Le 27 novembre 2012, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, adapte cet objectif à la situation française « moins de 2.000 tués en 2020 ». Le 29 novembre 2013, les experts du Conseil National de Sécurité Routière proposent le 80 km/h. Le 31 mars 2014, changement de ministre, son successeur, Bernard Cazeneuve, fin politicien très expérimenté, met au placard cette mesure pour cause « d’inacceptabilité » sociale. À Grand Bourgtheroulde, le 15 janvier 2019 pendant la crise des gilets jaunes, le Président Macron délégitime le 80 km/h « Est-ce qu’on peut faire quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent, sans doute oui ». Le 29 juin 2020 il rejette d’emblée le 110 km/h sur les autoroutes. Le 12 août 2021 : un conseiller de l’exécutif expliquait que le chef de l’État jugeait que « ce n’était pas le moment d’embêter les Français ». La réduction d’un point au permis de conduire en cas d’excès de vitesse inférieur à 5 km/h prend fin à compter du 31 décembre 2023 (décret du 6 décembre 2023).
Toutes ces gâteries adressées aux lobbies « vroum-vroum » pendant cette décennie ont entravé tout progrès de la sécurité routière : 3268 tués en 2013 et 3167 en 2023 ! Si nos dirigeants avaient tenu leur objectif annoncé, réduire de moitié le nombre des morts sur la route pendant cette décennie, près de 10.000 vies auraient été sauvées. Attendre l’acceptabilité totale d’une mesure, que l’on sait efficace, pour la mettre en œuvre ne relève pas d’une gouvernance responsable. Faut-il par exemple rappeler les arguments ineptes que certains avançaient lors de la mise en place de l’obligation du port de la ceinture de sécurité, équipement que plus personne aujourd’hui ne conteste. Doit-on redire combien l’installation des radars automatiques en 2003 a soulevé d’opposition, alors qu’aujourd’hui leur efficacité est totalement confirmée. Rappelons les barrages des chauffeurs routiers en 1992 contre le permis à points qu’ils n’ont levés qu’après avoir compris que cette réforme améliorera leurs conditions de travail.
Nous regrettons que les limitations de vitesse soient soumises à un débat politique et public, plutôt que d’être fixées par des experts qui connaissent les risques routiers et leurs conséquences sur le corps humain. « Personne ne songerait à laisser le Parlement fixer les limites de vitesse pour les trains ou les charges maximales pour les ponts, car ce sont des limites techniques. Aussi difficile que cela puisse paraître, la démocratie ne dépasse pas les limites physiques. » Écrivait en 2022 Claes Tingvall directeur du département suédois de sécurité routière.
L’insécurité routière : un gâchis économique
La lutte contre l’insécurité routière pendant cette dernière décennie a été un cuisant échec qui a coûté très cher à la société française. Pour l’année 2023, l’ONISR (Observatoire National Interministériel de la sécurité Routière) estime le coût total de cette insécurité à 100 milliards d’euros (page 19 du bilan de l’accidentalité de l’année 2023). Les 10.000 vies non sauvées (voir ci-dessus) pendant toute cette décennie ont coûté 60 milliards d’euros à la société française, sur la base de l’estimation de l’Université Gustave Eiffel.
L’OMS écrit, à la page 16 de sa brochure pour la journée mondiale de la santé du 7 avril 2004, « L’argent placé dans l’amélioration de la sécurité routière s’est avéré un excellent investissement qui a rapporté de 9% à 22% par an. En d’autres termes, les dépenses ont été plus que compensées par les économies sur les accidents et le bilan financier net est positif. Pour des raisons purement financières, les pays peuvent donc difficilement se passer d’améliorer la sécurité routière, sans parler du fait que toute vie humaine est trop précieuse pour qu’on accepte d’en perdre inutilement ».
Pour nous, Ligue contre la violence routière, la vie est la valeur suprême de la société démocratique.
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