Analyse du bilan de sécurité routière décembre 2023

Réunis à Bruxelles les 9 et 10 décembre 2004, les ministres européens des transports ont donné leur feu vert à la mise en œuvre d’une stratégie de lutte contre l’insécurité routière visant à diviser par deux le nombre d’accidentés de la route d’ici à 2010. Des mesures chocs sont mises en place : fin de l’amnistie présidentielle, circulaire contre les indulgences routières, mise en place des radars automatiques à partir de 2003 avec une faible tolérance pour les petits excès de vitesse, renforcement des sanctions en cas d’absence de port de la ceinture de sécurité à l’arrière, etc… !

En 2001, 8 160 tués vs 3 992 en 2010, soit une baisse de 51% !

La Commission européenne a adopté le 20 juillet 2010 un plan d’action visant à réduire de moitié le nombre de morts sur les routes européennes au cours des dix prochaines années. Le 27 novembre 2012, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, adapte cet objectif à la situation française « moins de 2 000 tués en 2020 ». Le 80 km/h, proposé en 2013, fut mis au placard pour cause « d’inacceptabilité » sociale par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Le président Hollande honore de sa visite le salon Vinexpo de Bordeaux après être passé par les 24 heures du Mans. En 2018, des voyous, au nez et à la barbe des autorités, saccagent les radars au prix de la vie de centaines d’usagers. Le 15 janvier 2019 à Grand Bourgtheroulde, le président Macron délégitime le 80 km/h. Par crainte de raviver des rancœurs, le 29 juin 2020 il rejette d’emblée le 110 km/h sur les autoroutes. Les motards ne veulent pas de contrôles techniques : il suspend le décret les instaurant au motif que « ce n’est pas le moment d’embêter les Français ».

En 2013, 3 268 tués vs 3 267 en 2022 !

Si l’objectif avait été tenu, 6 834 vies auraient été sauvées en 10 ans !

En signant la Déclaration de Stockholm, document final de la troisième conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière qui s’est tenue les 19 et 20 février 2020 sous le patronage de l’OMS, la France s’est engagée à réduire de moitié le nombre de décès et de blessés graves sur les routes à l’horizon 2030, c’est-à-dire moins de 1 500 tués et 8 000 blessés graves en 2030 et atteindre l’objectif ultime « zéro décès et blessé grave sur les routes d’ici à 2050. Compte tenu de la situation actuelle, cet engagement implique une baisse moyenne de 10% chaque année jusqu’en 2030.

Pendant les 8 premiers mois de 2023, nous avons connu une baisse de la mortalité équivalente à une réduction moyenne annelle de 9,5%. Mais pour des raisons inconnues, la mortalité a augmenté fortement en fin d’année et finalement, l’année se termine avec 3 170 tués, soit une baisse de 3% seulement par rapport à 2022. Ce qui nous éloigne de l’objectif sur lequel la France s’est engagée. Depuis mai 2017, 1ère élection du Président Macron, près de 21 000 personnes ont été tuées sur nos routes et 100 000 autres ont été gravement blessées. Nous interpellons les décideurs au plus haut niveau de l’État sur ce douloureux bilan humain parfaitement évitable, mais aussi sur son impact économique que l’Université Gustave Eiffel estime à 76,6 milliards d’euros pour l’année 2022 (budget de l’armée française 49,6 milliards d’euros en 2022).

Les dernières sucreries distribuées aux électeurs et futurs électeurs pour leurs étrennes, permis à 17 ans et absolution du retrait de point pour les « petits » excès de vitesse vont nous éloigner encore plus de cet objectif.

Le 1er janvier : permis à 17 ans, la mesure « forte » d’Élisabeth Borne

Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, en 2022, 549 jeunes adultes (âgés de 18 à 24 ans) ont été tués dans les accidents de la route soit 17 % des tués, alors qu’ils représentent seulement 8 % de la population française. Un jeune adulte est impliqué dans un accident sur trois.

« A partir de janvier 2024, on pourra passer le permis de conduire à partir de 17 ans et conduire à partir de 17 ans, au lieu de 18 ans, et ce dans les mêmes conditions qu’actuellement », a affirmé la Première ministre le 21 juin 2023, en soulignant que cette mesure serait « un vrai plus, notamment pour les jeunes en apprentissage ». Il s’agit d’un pur effet d’annonce qui n’aura que très peu de conséquences sur l’accès à l’apprentissage professionnel et aux stages des jeunes. Un jeune peut débuter une formation en apprentissage sous statut scolaire en lycée professionnel ou en centre de formation d’apprentis (CFA) à condition qu’il ait fini l’enseignement de la 3ème. Il pourra signer un contrat d’apprentissage à 15 ans. Tous les jeunes en formation en lycée professionnel apprennent un métier et, dans cette optique, des stages se déroulent en entreprise tout au long de leur formation y compris durant leurs 2 premières années (de 15 à 17 ans), période pendant laquelle ils n’auront pas de permis. Ils ne bénéficieront pas de ce nouveau règlement : cet argument est donc trompeur.

Nous rappelons que cette mesure a été annoncée en juin dernier alors que depuis 6 mois, la France était en conflit sur les retraites. Aucune étude d’impact n’a été réalisée. Cependant pour rassurer, la Première ministre a tenu à indiquer fin juin « ce qu’on peut constater chez nos voisins qui ont fait le permis à 17 ans, c’est qu’il n’y a pas eu plus d’accident ». Nous voyons dans cette déclaration l’aveu que cette nouvelle réglementation est un moyen pour le gouvernement d’envoyer des signaux pour apaiser le contexte social tendu du moment et non pour mieux protéger les jeunes.

Le 1er janvier : tolérance électorale pour les « petits excès de vitesse »

En 2020, près de 80% des conducteurs avaient leurs 12 points, et seuls 84 conducteurs avaient perdu leur permis en n’ayant commis que des infractions à un point tels de « petits excès de vitesse » (< 20 km/h).

La réduction d’un point au permis de conduire en cas d’excès de vitesse inférieur à 5 km/h prend fin à compter du 31 décembre 2023 (décret du 6 décembre 2023). « Ces petits excès de vitesse sont certes dangereux mais souvent involontaires et représentent plus de 50 % des points perdus », a indiqué Gérald Darmanin le 13 juillet 2022 dans les journaux du groupe Ebra, estimant que la réglementation est « assez injuste pour la France qui se lève tôt et qui n’a pas de transports en commun ». Le 19 avril 2023, il déclare « À la demande du Président de la République, à partir du 1er janvier 2024, il n’y aura plus de retrait de points pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h. L’amende bien sûr sera maintenue. Une mesure de bon sens pour nos concitoyens »

Ne plus retirer de point sur le permis des conducteurs ayant commis des excès de vitesse de moins de 5 km/h, c’est ajouter une faveur de 5km/h à la « marge technique » favorable au conducteur qui est actuellement appliquée. Un « petit excès de vitesse » de 5 km/h signifie en réalité que le conducteur est verbalisable par une voiture-radar à partir de 151 km/h sur une autoroute limitée à 130 et à 46 km/h dans une zone 30 ! (voir le tableau ci-dessous). Ces « petits excès de vitesse » tuent. En 2010, 13% des accidents mortels étaient liés à un excès de vitesse inférieur à 10 km/h au-dessus de la vitesse autorisée. Bien que le ministre reconnaisse la dangerosité de ces excès de vitesse, sur l’injonction du Président, il adoucit la sanction ! Cet « assouplissement » affaiblit en fait des années d’efforts pour bâtir une politique de lutte contre la violence routière. Cette mesure pourtant qualifiée de « bon sens » par le ministre est un mauvais message adressé aux automobilistes. C’est plutôt un « non-sens » car l’enjeu est de faire cesser l’hécatombe et non de caresser les électeurs dans le sens du poil. De plus, cette mesure est totalement inégalitaire en faveur de ceux qui pourront payer sans problème. Cette tolérance électorale a été décidée par quelques personnes au sommet de l’État pour acheter la paix sociale. Mais à quel prix ? L’histoire nous le dira vite.

L’antidote contre les radars

En 2024, tous les véhicules neufs devront être équipés d’un limiteur de vitesse intelligent, qui adapte automatiquement la vitesse du véhicule à la limite autorisée. Ainsi, avec ces voitures équipées de ces antidotes contre les radars, il n’y aura plus de petits dépassements de vitesse involontaires. Ils seront tous volontaires. Ils auront tous été commis délibérément. Les conducteurs auront désactivé le système pour dépasser les vitesses autorisées et malgré cette faute intentionnelle et dangereuse bénéficieront de « l’indulgence Darmanin » !

 

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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