Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !
État des lieux
Dans une tribune au Parisien, Claude Got, spécialiste de santé publique, estime que «le retour à 90 km/h sur certaines voies ne pourrait l’être qu’au prix d’un plus grand nombre de tués».
Claude Got, professeur honoraire de médecine et spécialiste de santé publique
Le Parisien 08/09/2019
« Les succès et les échecs des politiques de sécurité routière s’expriment dans des délais courts. Des milliers de morts en moins avec les réformes de Chaban-Delmas et de Messmer en 1972-1973. Succès du permis à points mis en œuvre par Mitterrand et Bérégovoy en 1992. Échec du gouvernement Jospin en 1997, l’objectif était une réduction de 50 % de la mortalité en cinq ans, elle a été de 2 %. Succès exceptionnel de Chirac et de son équipe avec la réforme de 2002-2003 qui abaisse la mortalité de 8000 à 4000.
Hollande n’est pas intéressé par la sécurité routière, mais Valls l’est et fixe un objectif de 2000 tués à la fin de la décennie. Le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) commande alors à ses experts un plan permettant d’atteindre cet objectif. Il est produit fin 2013 au bon moment : l’accidentalité s’accroît. La mesure clé est l’abaissement à 80 km/h de la vitesse maximale sur les voies où l’on observe 56 % de la mortalité routière. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, refuse ce choix. Il adopte 81 mesures de sécurité routière en 2015, sans réduire l’accidentalité, confirmant son incompétence ou sa volonté de ne pas contrarier.
Édouard Philippe reprend la mesure proposée en 2013. Un an après, le président de la République envisage des adaptations plus intelligentes, mieux acceptables, plus efficaces, sans préciser lesquelles. Le 6 juin dernier, l’amendement adopté par l’Assemblée nationale tente de concrétiser cette mission impossible. Un président de conseil départemental pourra remonter à 90 km/h la vitesse maximale sur la base d’une étude d’accidentalité, après avis de la commission départementale de la sécurité routière. Étant donné la relation entre vitesse et accidentalité, le retour à 90 sur certaines voies ne pourrait l’être qu’au prix d’un plus grand nombre de tués.
Le maintien des 80 km/h est important au moment où la destruction des radars se poursuit. Cette détérioration était prévisible dans le cadre d’une opposition à la politique menée par le gouvernement, au-delà de la taxe carbone. La destruction sur les routes des portiques mis en place en 2013 avait démontré la vulnérabilité des dispositifs placés en bordure des routes et le motif était déjà la taxe carbone. Un rapport d’experts de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, en 2006, avait insisté sur la nécessité de développer l’usage des radars embarqués dans des véhicules en déplacement.
Il est incohérent de prétendre agir sur le réchauffement climatique et l’accidentalité tout en abandonnant les 80 km/h sur les belles voies les plus rapides qui supportent les trafics les plus élevés. C’est à leur niveau que les accidents mortels sont les plus nombreux (50 % des morts sur 15 % des voies) et que les vitesses excessives accroissent la consommation de carburant.
Lors de la COP21, la France s’est engagée à réduire de 29 % les émissions de gaz à effet de serre dans les transports routiers pendant la période 2015-2028. La consommation s’est accrue de 0,9 %, en 2015, puis de 0,4 % et 0,5 % en 2016 et 2017. Miracle du 80, elle s’est réduite de 0,5 % en 2018 et de 0,6 % depuis janvier. Cette évolution amorce le respect de notre engagement, mais elle est fragile. L’amendement du 6 juin peut inverser cette évolution. Son application sera un test d’un intérêt exceptionnel pour distinguer l’écologie verbale de l’écologie opérationnelle.
Avant de toucher aux 80 km/h, il fallait attendre le bilan de l’évaluation de deux ans, produire et exploiter les cartes d’accidents, observer les vitesses réelles au niveau des voies, établir la relation entre le trafic et l’accidentalité sur les voies les plus utilisées, et établir les courbes de consommation de carburant des voitures les plus vendues en fonction du rapport de vitesse enclenché, de 60 à 150 km/h. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) doit produire ces valeurs. »
Voir aussi (sur le site de la Ligue https://www.violenceroutiere.fr/2019/08/30/claude-got-la-vitesse-ou-la-vie/ )
« Claude Got: La Vitesse ou la Vie? », texte du 30 août 2019 accompagnant les cartographies des accidents mortels par département sur la période 2013-2017
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