Argumentaire de la Ligue — Réduire les vitesses de circulation: une mesure indispensable

Ligue contre la violence routière – Fédération nationale – Décembre 2017

1 – Objectif de sécurité routière

2 – Objectif écologique

3 – Objectif économique


1 – Objectif de sécurité routière


Ces dix dernières années (2007-2016), 40 000 personnes ont été tuées dans un accident de la circulation. 10 000 avaient moins de 25 ans. Plus de 300 000 ont été blessées et hospitalisées plus de 24 heures. Plus de 5 000 étaient des piétons et 1 500 des cyclistes. Les bilans placent la France au 14ème rang des pays européens pour la mortalité routière par million d’habitants (1) . Depuis 3 ans le nombre de victimes augmente.

Les conducteurs et la politique.  Si le « conducteur-individu » a un rôle à jouer par son comportement et sa compétence propre (la conduite), le rôle social des règles (Code de la Route …) et l’objectif de pacifier la circulation restent prééminents pour élaborer une politique de sécurité routière. S’agissant de la vie et de santé publique, il serait indécent que l’État fût mis en échec par des considérations subalternes d’acceptabilité populaire, de convenances politiciennes ou par le fait des lobbies.

[su_pullquote align= »right »]« Les deux grandes ruptures qui ont effondré la mortalité sur les routes en France (1972/1973 et 2002/2003) ont été produites par une action sur la vitesse, l’une en abaissant les vitesses maximales autorisées, la seconde en assurant un meilleur respect de ces VMA (fin des indulgences abusives, faible tolérance sur les excès de vitesse et développement de méthodes de contrôle automatisées) » 
Professeur Claude Got www.securite-routiere.org[/su_pullquote]

❒ Les gains signifiants ont été depuis une cinquantaine d’années obtenus par des mesures amples, qui furent impopulaires mais imposées avec fermeté (cf encadré à droite). Les exemples du 50 en ville ou du permis à points soutenus en leur temps par la Ligue en témoignent. L’abaissement des vitesses maxima autorisées (VMA), proposé en 2014 et repoussé par le Gouvernement s’inscrit dans cette pratique de rupture franche avec désormais des obligations environnementales supplémentaires. 

Le facteur vitesse est à considérer dans tous les accidents puisqu’il est consubstantiel du mouvement. Il en crée les conditions et en aggrave les conséquences. Ce n’est certes pas la seule cause, mais c’est la plus simple à traiter. C’est une donnée physique, aux effets mesurables, bien connue des communautés scientifique et technique. Ainsi, grâce à des modélisations fiables (2), comme l’économiste qui sait que « + % de TVA » fait « + 1 milliard de TVA », le spécialiste en sécurité routière pourra estimer avec une précision correcte que « – 1 % de vitesse moyenne » sur les réseaux routiers fera « – 4% d’accidents mortels » et « – 2% d’accidents avec blessés ». Cette relation est capitale. Des pays européens comme le Danemark, la Norvège, la Suisse, les Pays-Bas ont déjà adopté cette vitesse maxima de 80 km/h sur ces mêmes réseaux (3)

Comment appliquer une mesure de réduction de la VMA ?

L’une des orientations de la Ligue contre la violence routière depuis plusieurs années est la réduction générale de 10 km/h des VMA hors agglomération. Ce point de vue est désormais renforcé par les impératifs environnementaux et par la comparaison avec ceux de nos voisins européens qui ont franchi le pas avec succès. Cet objectif « – 10 km/h hors agglomération » devient inéluctable, il faut se donner les moyens de l’atteindre.

Mais, s’agissant de milliers de vies en danger, c’est d’une situation d’urgence qu’il s’agit : la réduction des VMA même partielle – mais cohérente avec un élargissement à venir – est le moyen le plus rapide et le plus sûr pour « casser » l’évolution actuelle de l’accidentalité (+6,6% de tués depuis 2013), la faire régresser et tenter de respecter nos objectifs.

Il faut donc choisir les réseaux où un résultat rapide peut être obtenu, avec application uniforme par souci de lisibilité et de cohérence. « Adapter » les VMA selon les critères locaux (caractère jugé dangereux d’une section, plaintes de riverains, …) est un alibi qui conduirait à un statu quo détruisant l’efficacité de la mesure.

Les routes bidirectionnelles (généralement à 90 km/h) concentrent 87% de la mortalité routière sur routes hors agglomération (1911 personnes). Chaque année, hors agglomération, plus de 600 personnes décèdent dans des collisions frontales entre 2 véhicules, chiffre en augmentation (554 en 2014, 623 en 2016). Les routes sans séparateur médian sont prioritairement les cibles à retenir :

Départementales (377 187 km) où l’on constate 1/3 des accidents corporels, 2/3 des tués (moyenne 2014 à 2016 : 2 251 tués), 50% des blessés hospitalisés.

Nationales (5654 km) apparemment moins « accidentogènes » (302 tués en 2016) mais où le risque relatif est cependant élevé si on considère le bilan en fonction du trafic.

Quels gains attendus du point de vue de la sécurité routière ?

La mesure va entraîner une baisse des vitesses moyennes de circulation (en hausse depuis 2013, actuellement 82 km/h sur les réseaux à 90 km/h) (4). Les observations dans plusieurs pays permettent d’envisager une réduction de 3 à 4 km/h de la vitesse moyenne de circulation si la VMA est abaissée de 10 km/h. Le résultat en vies sauvées serait de 350 à 400 personnes par année.

Quel coûts ?

Signalisation verticale : adapter, supprimer les panneaux devenus inutiles (5), régler les cinémomètres et les règles du CSA, modifier les bases de données GPS représente un coût restant à évaluer mais qu’il faut comparer au coût exorbitant de santé publique. Économie future attendue sur le nombre de panneaux à gérer par les collectivités.

Le temps passé sur la route augmente théoriquement (pour 100 km : + 9 minutes entre 90 et 80 km/h). Mais la vitesse n’est pas le seul paramètre conditionnant la durée d’un parcours routier. Avec une VMA à 80 et compte tenu des aléas de la route, le surplus de temps serait sans conséquences remarquables aux plans opérationnel et économique. Enfin, réduire les vitesses diminuera le nombre d’accidents et de « bouchons » routiers qui font perdre chaque année des millions d’heures aux usagers.

Infrastructure : il conviendra de connaître sur le moyen terme l’impact positif de vitesses moindres et d’une conduite plus souple (moins de contraintes mécaniques sur les revêtements) sur l’infrastructure routière.


2 – Objectif écologique


Pour respecter l’engagement pris lors de la COP 21 de réduire de 29% la consommation des carburants utilisés dans les transports routiers de 2015 à 2028, la consommation doit être réduite annuellement de 2,9%. Elle est actuellement croissante et nous aurons perdu deux ans à la fin de cette année 2017. Le secteur des transports est particulièrement concerné.

La consommation d’énergie (principalement carburants) croit rapidement avec la vitesse, quelque soit le principe moteur (thermique, électrique, hybride). L’optimum économique se situe entre 50 et 80 km/h. A 90 km/h, 80% de la résistance à l’avancement du véhicule sont dus à la pénétration dans l’air, et cette résistance croit exponentiellement. Rouler à 120 au lieu de 130 km/h économise 1 litre par 100 km et on parcourt 182 milliards de véhicules.km sur les autoroutes chaque année. Le gain est moindre entre 90 et 80 mais sur les RD et RN la circulation est de 260 milliards de véhicules.km. Agir sur la vitesse est une garantie de résultat.

❒ Le transport routier (120 millions de tonnes de CO2) contribue à hauteur de 95% dans les émissions de gaz à effet de serre du transport. Dont 56% pour les véhicules légers, 19% pour les véhicules utilitaires légers et 18% pour les poids lourds. C’est une masse de manœuvre incomparable pour réduire rapidement nos émissions.

Les gains sont massifs sur la consommation d’énergie, la production de CO2, les émissions de polluants et de particules. La VMA à 80 km/h contribue ainsi rapidement aux engagements de la COP 21 pour un coût très réduit.

 


3 – Objectif économique


Les accidents sur la route appauvrissent chaque année la collectivité nationale de 50 milliards d’Euros (6). Ils sont la 1ère cause d’accidents au travail et impactent durement la Sécurité sociale et les entreprises qui se voient privées de compétences et surchargées par des cotisations sociales au titre des accidents. Le coût du transport grève lourdement le budget des ménages, des entreprises et des collectivités.

➣ La réduction des vitesses a l’avantage de coûter peu, de pouvoir être mise en œuvre rapidement et de « jouer gagnant » sur tous les plans :

❒ Pour diminuer le déficit de notre balance commerciale par des importations moindre de carburants d’origine fossile.

❒ Pour les ménages dont la dépense « à la pompe » sera à la baisse (en 1973, lors de la crise pétrolière et des carburants plus chers, les français s’étaient rapidement adaptés et avaient spontanément « levé le pied »).

❒ Pour les entreprises, administrations et collectivités dans leurs coûts d’exploitation et dans la sécurité au travail.

❒ Pour la santé publique par une diminution des nuisances liées à la vitesse (bruit aux abords des grands axes, cancers, asthme, allergies …).

❒ Pour les systèmes de sécurité, d’urgence, de santé et de couverture sociale par une moindre sollicitation (moins d’accidents).

❒ Pour les usagers, moins de perte de temps dans les ralentissements et « bouchons » résultant des accidents ou des flux trop rapides (phénomène d’accordéon qui s’amplifie avec la vitesse).

[su_box title= »Réduction des vitesses = gains de sécurité, écologiques et économiques » style= »glass » box_color= »#77456d » title_color= »#FFFF00″ radius= »14″]

A condition que …

➣ Pour être efficaces, les mesures réglementaires de circulation routière doivent être comprises, admises et appliquées.

➣ La technologie offre désormais des ressources performantes permettant d’aider les conducteurs à respecter les vitesses. C’est le cas notamment du système « LAVIA (7) », expérimenté depuis plusieurs années. Les véhicules neufs disposent désormais de tous les composants permettant son adaptation en série et l’industrie automobile ne manquera pas d’en promouvoir la diffusion.

➣ Mais le contrôle du respect des vitesses reste essentiel dans un domaine marqué par l’exercice de la liberté individuelle. 3 actions sont prioritaires :

  •  Améliorer le nombre de contrôles en circulation par une meilleure gestion des voitures banalisées.
  •  Bloquer les avertisseurs de radars et systèmes communautaires d’information sur la position des forces de l’ordre.
  •  Rendre effectifs les retraits de points.[/su_box]

notes:

(1) Source générale du document : Observatoire national interministériel de la sécurité routière – Bilans annuels

(2) Modélisation de Nilsson et Elvik – Nombreuses observations et études dans plusieurs pays (dont les États-Unis où les États définissent les vitesses (hors autoroutes)

(3) Tableaux IRTAD – Bilan ONISR 2016 – Comparaisons internationales – Page 156 – 157

(4) ONISR : VMA vitesses pratiquées et accidentalité, Bilan 2016 page 91 – Vitesses moyennes de circulation : Observatoire des vitesses de l’ONISR : www.securite-routiere.gouv.fr/la-securite-routiere/l-observatoire-national-interministeriel-de-la-securité-routiere/comportements-des-usagers

(5) suppression des panneaux : en janvier 2017, la région flamande en Belgique a mis en place la limitation de vitesse à 70 km/h sans pose de panneaux.  https://violenceroutiere5962.org/w/2017/01/06/attention-la-vitesse-maximale-sur-lensemble-des-routes-regionales-en-flandre-a-ete-ramenee-de-90-kmh-a-70-kmh/

(6) ONISR : Le coût de l’insécurité routière – Bilan 2016 – Page 34

(7) LAVIA: Limiteur de vitesse s’Adaptant à la Vitesse Autorisée, est un système embarqué qui fixe automatiquement la vitesse limite à la hauteur de la vitesse réglementaire. Le LAVIA pour faire respecter la mesure sans répression

à lire aussi:

Rapport sur l’écart entre le nombre d’infractions constatées et le nombre d’infractions générant un retrait de points de permis de conduire (Colin -Le Galou juin 2012)

Édouard Philippe : derniers réglages avant le plan Sécurité routière 2018 (AFP 11/12/2017)

tweets du Premier Ministre 11/12/2017 concernant le 80 km/h  « Je veux que nous fassions de la sécurité routière une véritable priorité. » et « Je suis favorable aux 80km/h sur les routes bidirectionnelles nationales et départementales : deux-tiers des accidents se concentrent sur ces tronçons de routes. »

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
Haut de page