Pourquoi évaluer le coût de l’accidentalité routière ?

Préliminaire

Cet exposé, sous formes de questions-réponses, a pour objectif de faire comprendre comment l’Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière (ONISR) définit et établit chaque année le coût de l’accidentalité routière en France. Les méthodes et techniques utilisées pour atteindre cet objectif peuvent soulever de nombreuses questions qui, néanmoins, ne sont pas abordées ici.

I – Généralités

Après les catastrophes de par le monde, que sont les ouragans, les inondations, les feux gigantesques, les tremblements de terre, etc., les médias ont pour habitude d’informer du coût qui leur est associé. De même, le tabagisme et l’alcool font l’objet d’évaluations de leurs coûts pour la société.

Cette manière de procéder se retrouve quand on parle du coût de l’accidentalité[1] routière. Les accidents de la route ont des conséquences très importantes pour les personnes impliquées, victimes ou proches (covictimes) : lésions corporelles, dégâts matériels, incapacité de travailler, souffrance humaine, etc. À l’accidentalité routière sont aussi associés des enjeux économiques que l’on traduit en termes de coût monétaire.

Ce coût s’avère extrêmement élevé. Nous verrons dans la question qui lui est consacrée qu’il atteint, en France métropolitaine pour l’année 2024, la somme considérable de cent quatre milliards d’euros. Si l’ONISR compare cette somme au PIB en écrivant[2] qu’elle représente 3,6 % du PIB, c’est pour montrer à quel point ce coût est énorme, bien qu’il n’intervienne pas, pour l’essentiel, dans le calcul du PIB. Il est donc impératif de redoubler d’efforts pour lutter contre l’insécurité routière, en investissant dans des mesures limitant l’accidentalité.

L’estimation de ce coût permet de comparer les différentes mesures de sécurité routière et de choisir ainsi les meilleures d’entre elles. À titre d’exemple, plaçons-nous dans la situation où l’on envisage d’effectuer des travaux sur un tronçon de route où les accidents sont particulièrement nombreux. L’amélioration de la qualité de la route va entraîner une diminution de l’accidentalité et l’on en attend une diminution du coût de cette dernière. Mais ces travaux ont évidemment aussi un coût. La comparaison des montants de ces deux coûts contribue à la décision d’entreprendre ou non les travaux.

La sécurité routière n’est évidemment pas l’unique sujet de société ; la santé, l’éducation, la justice, etc., sont également importants. L’estimation du coût de l’accidentalité routière sert donc dans la quête d’un équilibre entre le budget accordé à la lutte pour diminuer les effets de ce fléau et les budgets consacrés aux autres services indispensables de l’État.

Cependant l’estimation de ce coût est une tâche particulièrement complexe, surtout lorsque l’on s’attaque à des préjudices immatériels, comme, par exemple, la « valeur » d’une vie humaine ou le « coût » de la souffrance humaine qui accompagne un accident mortel ou un accident avec des blessés devant supporter des séquelles à vie.

II – Aspect éthique de la valeur attribuée à une vie humaine

Est-il éthiquement acceptable d’attribuer une valeur monétaire – un coût – à une vie humaine perdue lors d’un accident de la route, comme on le fait, sans problème, pour la perte d’un bien marchand. À l’évidence, il est dénué de sens d’attribuer un coût à la perte d’une vie et il est même éthiquement inacceptable d’y songer.

Il faut donc bien comprendre que ce dont il s’agit dans ces questions économiques n’est pas la « valeur » d’une vie d’un individu spécifique ; il s’agit de ce que les études consacrées depuis longtemps à ce sujet appellent la valeur d’une vie statistique (VVS). Cette VVS n’est qu’une évaluation monétaire de la réduction du risque de décès dans un accident de la circulation ou, dit autrement, de l’effort que la collectivité est prête à consentir pour réduire un risque de décès. Une des difficultés qui accompagnent cette notion réside dans la multiplicité des méthodes permettant de déterminer cette VVS. Mais il faudra bien finalement se fixer sur une.

En ce qui concerne le coût des blessés, on peut évidemment procéder comme pour les tués, et il sera aussi attribué une valeur statistique au coût d’un blessé grave (VBG).

L’utilisation d’une VVS ou d’une VBG est soumise à plusieurs critiques. Par exemple, il n’existe pas de valeur universelle à la VVS. Comme nous l’expliquerons dans la question « Comment sont établis les différents coûts de l’accidentalité routière ? », la VVS est déterminée par la méthode du consentement à payer dont la mise en pratique peut différer d’une équipe qui la met en œuvre à l’autre. La VVS dépend donc du contexte dans laquelle elle est calculée ; elle varie d’un pays à l’autre. Ses nombreuses variations rendent l’estimation de la VVS incertaine, et il ne faut la prendre que comme un ordre de grandeur qui reste, néanmoins, très utile pour évaluer l’impact d’une dépense, d’une réglementation, d’un investissement sur le risque de décès ou de blessures.

[1] L’ONISR et d’autres organismes utilisent le terme d’« insécurité routière » qui désigne une matière a priori plus vaste que l’« accidentalité routière ». Ainsi, l’amélioration de la circulation routière relève de l’insécurité routière. Mais quand on étudie les coûts associés aux tués et aux blessés de la route, cela relève bien essentiellement de l’accidentalité routière. L’accidentalité routière n’est qu’une partie de l’insécurité routière.
[2] ONISR, Bilan de l’accidentalité 2024, p.19

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !

État des lieux

 

Le bilan
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