Comment évalue-t-on le coût de l’accidentalité routière à 104 milliards € ?
104 milliards d’euros, c’est le coût de l’accidentalité routière en l’année 2024. Pour arriver à ce résultat il nous faut connaître deux types de données.
I – Les coûts
Tout d’abord, la valeur de chacun des coûts répertoriés dans la question « Quelles sont les méthodes de calcul des coûts de l’accidentalité routière ? », à savoir la valeur :
- d’un tué,
- d’un blessé grave[1],
- d’un blessé hospitalisé non grave,
- d’un blessé (non hospitalisé) léger,
- des dégâts matériels par accident.
La valeur d’un tué et celle d’un blessé grave sont celles dont nous avons expliqué comment elles ont été calculées à la question « Quelles sont les méthodes de calcul des coûts de l’accidentalité routière ? ».
Une catégorie supplémentaire de blessé a été introduite à partir de 2020, celle de blessé hospitalisé non grave. La France a fait le choix d’utiliser les recommandations du projet HEATCO (dont nous avons fait état à la question « Quelles sont les méthodes de calcul des coûts de l’accidentalité routière ? ») pour attribuer au coût d’un blessé hospitalisé non grave et à celui d’un blessé léger des valeurs respectivement égales à 12,5 % et 0,5 % du coût d’un tué.
Il faut bien comprendre que le « coût des dégâts matériels par accident », comme tous les autres coûts, ne sont évidemment que des moyennes, situées à l’intérieur de fourchettes qui ne sont que très rarement précisées.
– Ensuite, il faut disposer des nombres annuels de tués, de blessés graves, non graves, légers et enfin du nombre d’accidents routiers.
II – Les nombres
Il est bien évident que le nombre annuel de tués est connu à l’unité près. Par contre, les nombres de blessés sont beaucoup plus incertains. Ainsi, les travaux de l’Université Gustave Eiffel sur les données des hôpitaux (Registre du Rhône) montrent que le nombre total des blessés est au moins 4 fois celui enregistré par les forces de l’ordre dans les bulletins d’analyse des accidents de la circulation (BAAC).
C’est en tenant compte de ces travaux[2] que l’ONISR fournit une estimation du nombre des blessés graves et du nombre des autres blessés[3] (hospitalisés non graves et blessés légers).
Ceci admis, les nombres de blessés hospitalisés non graves et de blessés légers sont calculés de la façon suivante :
- le nombre de blessés hospitalisés non graves est le double du nombre de blessés graves, appartenant à la catégorie MAIS3+ ;
- le nombre de blessés légers est la différence entre le nombre total de blessés de la catégorie MAIS1-2 et le nombre des blessés hospitalisés non graves qui vient d’être calculé.
Pour le nombre d’accidents ne mettant en jeu que des dégâts matériels, il est accessible dans les déclarations en responsabilité civile auprès des compagnies d’assurance.
III – Tableau des nombres et des coûts
En utilisant les nombres d’accidentés de tous les types de l’année 2024, ainsi que les dernières valeurs des coûts estimés par la méthode VALOR dont nous avons fait état dans la question « Quelles sont les méthodes de calcul des coûts de l’accidentalité routière ? », nous pouvons dresser le tableau suivant[4] :
Tableau des coûts des tués, des blessés et des dégâts matériels en 2024
Notons que, comme expliqué dans la question « Quelles sont les méthodes de calcul des coûts de l’accidentalité routière ? », paragraphe « Blessé hospitalisé non grave et blessé léger », le coût d’un blessé hospitalisé non grave et celui d’un blessé léger valent bien, respectivement : 12,5% et 0,5% du coût d’un tué.
Toutes les valeurs en euros des coûts qui figurent dans le tableau ci-dessus ne représentent que des valeurs moyennes issues de résultats de calcul. Ceci signifie que, par exemple, le coût d’un tué est compris dans un intervalle entre une borne inférieure et une borne supérieure[5], et qu’en moyenne il vaut 6.680.000 €.
Au total, l’ensemble de tous les coûts répertoriés dans ce tableau s’obtient en sommant les nombres formant la dernière ligne, soit : 83 milliards d’euros.
Précisons la répartition du coût de l’accidentalité en 2024 qui se déduit des chiffes du tableau :
Bien que le coût d’un blessé soit très inférieur au coût d’un tué, le nombre de blessés, très supérieur au nombre de tués, fait du coût de l’ensemble des blessés le plus important de tous les coûts. Ainsi, le coût de tous les blessés s’élève à plus de 2 fois le coût des tués (59 % contre 26 %).
Le coût des dégâts matériels, sans être négligeable, arrive loin derrière ; il est presque 6 fois moindre que le coût des victimes, tuées et blessées.
IV – Fin du calcul
Les calculs ne sont pas terminés, car, selon l’ONISR[6], « cette estimation ne couvre pas l’ensemble des coûts associés aux accidents de la route, tels que les identifie le projet européen Safetycube[7] : les coûts administratifs, la perte de production et une partie des coûts médicaux ne sont pas intégrés. Ces derniers représentent environ 25 % du coût total » de 83 milliards d’euros que nous venons de calculer, soit 21 milliards d’euros, qui s’ajoutent au 83 M€ déjà calculé.
Finalement le coût total de l’accidentalité routière pour l’année 2024 s’élève à : 104 milliards d’euros.
Conclusion
Quelles que soient les incertitudes qui pèsent sur tous les calculs qui ont conduit à ce coût faramineux de 104 M€, le coût exact ne peut que se chiffrer dans un voisinage de cette valeur gigantesque. Ce coût est à la limite de l’impensable, alors que l’accidentalité routière est en grande partie évitable. La lutte contre l’insécurité routière, qui est à l’origine de la création de la Ligue et demeure son principal objectif, vise à réduire drastiquement le coût humain, composante essentielle et insupportable du coût de l’accidentalité routière.

